La dermatologie au bord du précipice
Dans une tribune parue dans Le Monde le samedi 11 mars 2023, la Fédération Française de la Peau, les sociétés scientifiques de la dermatologie et le syndicat des dermatologues ont réuni 21 associations de malades pour alerter le Ministre de la Santé et les agences régionales de santé à propos de l’état fortement dégradé du secteur de la dermatologie en France.
Sauver la dermatologie et les malades
Jean-Marie Meurant, vice-président de la Fédération Française de la Peau ainsi que de l’Association Française du Vitiligo le clame : « L’avenir de nos peaux n’est pas bien rose, cela ne peut plus durer ! » Il faut des mois pour obtenir un rendez-vous, les dermatologues sont surchargés et les consultations écourtées, les jeunes dermatologues sont toujours moins nombreux, l’accès aux soins est toujours plus difficile, les cabines de photothérapie tendent à disparaître…
En effet, la dermatologie semble « au bord du précipice » (pour reprendre l’expression de l’alerte lancée dans cette tribune). Une étude récente indique qu’il s’agit même de la pire spécialité en ce qui concerne l’obtention d’un première consultation !
Salon la tribune publiée dans Le Monde ce samedi 11 mars 2023, 2 raisons principales seraient liées à cette situation :
- la désorganisation des soins tels qu’ils existent actuellement (offre hospitalière trop inaccessible, télé-expertise trop peu développée, ressources paramédicales de la filière trop faibles…),
- et la démographie médicale alertante (plus de la moitié des dermatologues actuellement en exercice ont 55 ans ou plus, alors que le nombre d’internes en formation ne permettra pas de stabiliser la densité de dermatologues avant 2041 au mieux, soit 10 ans après les autres spécialités…).
Cette alerte dénonce le « silence assourdissant des pouvoirs publics » à ce sujet, les maladies de peau étant « absentes des priorités de santé de l’Etat, notamment des Plans Régionaux de Santé (RPS) », malgré un impact considérable et parfois terrible sur les malades, en termes de souffrance physique et psychologique.
La Tribune fait donc une demande claire : « sortir la dermatologie de l’angle mort du système de santé ». A cet effet, une démarche participative inédite en dermatologie a été engagée, afin de constater les besoins les plus urgents et avancer des propositions au plus près de la réalité. La prise en considération de ces propositions est urgente, pour sauver cette filière en danger mais aussi l’avenir des malades.
Désert médical pour les maladies de peau
Lorsqu’il est très difficile, voire impossible, de se faire soigner par un médecin, en raison d’un manque d’offre de soins de santé, on parle de « désert médical« . Cette expression désigne la difficulté d’accès aux soins, que ce soit en termes de distance, de délais de rendez-vous ou d’offre de soins de qualité au regard d’un standard de système de santé. En général, cela se caractérise par une pénurie de médecins, d’infirmiers et autres professionnels de la santé dans une région donnée.
Les malades concernés par une dermatose se retrouvent donc face à des questions sans réponse : qui consulter ? Où consulter ? Que faire face à des mois de délais d’attente avant d’obtenir un rendez-vous ? Trop souvent, les patients tendent à abandonner les soins, malgré les souffrances physiques et/ou psychologiques liées à la maladie.
La tribune indique 3 exemples pour appuyer ces propos :
- il faut en moyenne compter 8,5 ans de délai, d’errance diagnostique et de souffrances avant de recevoir un diagnostic de la maladie de Verneuil ;
- à défaut de prise en charge par l’Assurance-maladie, les soins infirmiers requis par l’épidermolyse bulleuse sont souvent réalisés par les proches ;
- les traitements préconisés par les experts restent aujourd’hui inaccessibles aux patients atteints de vitiligo.
Pour sortir d’un désert médical, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Tout d’abord, il peut être utile de renforcer l’attractivité des zones rurales pour les professionnels de santé. Pour cela, des mesures incitatives peuvent être mises en place, telles que des aides financières, des avantages fiscaux, ou encore la création de maisons de santé pluridisciplinaires pour faciliter l’exercice en groupe. Par ailleurs, il est possible de développer les télé-consultations, qui permettent aux patients de bénéficier de soins à distance, sans avoir à se déplacer loin de chez eux. Enfin, il est également envisageable de renforcer la formation des professionnels de santé pour mieux répondre aux besoins des populations des zones rurales et isolées. En matière de dermatologie, le développement de ces solutions pourraient permettre d’améliorer l’accès aux soins pour tous les malades.
Nous, malades de la peau avec le vitiligo, devons soutenir cette démarche d’alerte du Ministère et des Agences Régionales de Santé. Partagez cet article !
Liste des signataires de la tribune :
Marie Beylot-Barry, Société française de dermatologie (SFD); Christine Bodemer, coordinatrice de la filière Santé Maladies rares dermatologiques (Fimarad); Marie-Claude Boiteux, présidente de la Fédération française de la peau (FFP); Nicolas Dupin, ancien président de la SFD; Nicole Jouan, présidente de la Fédération française de formation continue et d’évaluation en dermatologie-vénéréologie (FFFCEDV); Gaëlle Quéreux, présidente de la SFD; Luc Sulimovic, président du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV).