Traitements du vitiligo et soleil : ce qu’il faut savoir
Des progrès significatifs ont été réalisés dans la compréhension du vitiligo ces dernières années, ainsi que dans le développement de traitements efficaces. En soutien de ces traitements, les études indiquent que l’exposition au soleil favorise la repigmentation ; il faut néanmoins savoir quand et comment intégrer les UV de façon sécurisée. Dr Comte et Pr Seneschal, membres de notre Comité Scientifique, nous ont partagé des informations importantes à ce sujet lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo 2024 : voici ce qu’il faut savoir.
© Copyright : Association Française du Vitiligo – MERCI à Dr Comte et Pr Seneschal pour leur contribution à cet article
Ce que disent les études
Dans le vitiligo, le processus de repigmentation se déroule en trois phases essentielles :
- stabiliser la maladie et arrêter la perte de mélanocytes,
- favoriser la repigmentation en stimulant la différenciation et la prolifération des mélanocytes,
- puis prévenir les rechutes.
Le processus de repigmentation, étape cruciale dans le traitement du vitiligo, est une étape longue du traitement. En effet, bien que la dépigmentation puisse survenir rapidement, générer à nouveau la coloration de la peau nécessite en général entre 6 et 24 mois. Les données scientifiques connues aujourd’hui, notamment les recommandations internationales de septembre 2023, soulignent une efficacité accrue des traitements médicaux s’ils sont combinés à l’exposition solaire ou la photothérapie. En effet, l’exposition aux UVB présente un double effet : d’une part, elle régule l’activité du système immunitaire (qui permet la défense de l’organisme mais qui agit contre soi et ses propres mélanocytes dans le cadre du vitiligo, maladie dite auto-immune), et d’autre part, elle favorise la mobilisation et le développement des mélanocytes, à partir des réservoirs qui peuvent faire revenir la couleur de la peau.
Une approche combinée de traitement médical et d’exposition contrôlée au soleil ou à la photothérapie encourage donc la repigmentation : c’est le cas pour la crème Ruxolitinib (commercialisée sous le nom Opzelura), qui a déjà montré une efficacité en monothérapie (c’est-à-dire sans exposition aux UV) mais qui semble démontrer une meilleure efficacité en combinaison aux UVB, cela étant nécessaire de le confirmer par une étude clinique (en cours). L’exposition aux UVB est par ailleurs désormais établi pour améliorer l’efficacité du Tacrolimus (commercialisé sous le nom de Takrozem ou Protopic). Cela concerne également les traitements par voie orale, dont certains sont en cours de développement.
Pr Seneschal développe ce sujet dans la vidéo ci-contre (enregistrée lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo, le 16 mars 2024).
La photo ci-contre montre la repigmentation accrue d’un patient ayant intégré une exposition aux UVB lors de son traitement. Pour guider au mieux les dermatologues, des recommandations actualisées ont été mises en ligne sur le site de la Société Française de Dermatologie, détaillant le nombre optimal de séances recommandées et soulignant l’importance de surveiller l’apparition d’un érythème cutané (c’est-à-dire un léger coup de soleil, sans aller jusqu’à brûler la peau mais de façon à obtenir une légère rougeur), signe d’une exposition adéquate au soleil ou à la photothérapie.
Il est également important de rappeler que les personnes atteintes de vitiligo présentent un risque diminué de développer un mélanome, mais aussi d’autres cancers cutanés.
Dans la pratique, comment faire ?
Il est recommandé d’attendre plusieurs heures après l’application du traitement avant de s’exposer au soleil ou à la photothérapie UVB. Le Pr Seneschal conseille un délai d’attente d’au moins 2 heures après l’application de la crème, afin de permettre son absorption optimale et d’exposer ainsi une peau « propre ». Cette précaution est essentielle, tout d’abord pour éviter tout risque de mal supporter le traitement s’il est exposé aux UV, mais aussi car l’utilisation de tout émollient ou crème laisse un léger film sur la peau (même si celle-ci n’inclut pas de filtre UV), ce qui peut limiter la pénétration des UVB.
Photo : Unsplash
Ainsi, il est préférable d’exposer une peau sans aucune protection ni traitement, ou du moins une fois que la crème a été entièrement absorbée, afin de favoriser une absorption optimale des rayons UVB jusqu’à obtenir une légère rougeur. Par la suite, la protection solaire habituelle reste indiquée bien sûr, selon les recommandations habituelles par l’application de crèmes solaires et/ou protection vestimentaire.
Cette exposition des zones de peau dépigmentée aux UVB peut s’envisager de plusieurs façons :
Simplement par le soleil naturel (méthode la plus facilement accessible, mais pas toute l’année !). Après quelque temps d’exposition pour atteindre la légère rougeur décrite ci-dessus (selon la période de l’année et l’emplacement géographique sur la planète), les recommandations de protection solaire restent indiquées ; pour en savoir plus, nous vous invitons à (re)voir cette conférence « Recommandations au soleil et réalités des pratiques : quelle attitude avoir quand on est atteint de vitiligo ? » que Pr Khaled Eeezdine (membre de notre Comité Scientifique) avait présenté lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo 2023.
Les séances de photothérapie en cabine, accessibles chez certains dermatologues, sont généralement pratiquées 2 à 3 fois par semaine pour des résultats optimaux. Bien que deux séances par semaine soient efficaces, un rythme de trois séances par semaine accélère souvent le processus de repigmentation. La durée de chaque séance varie de 1 à 3 minutes en fonction de la couleur de la peau du patient. Il est important de noter que des interruptions dans le traitement sont possibles pour des raisons telles que les vacances ou les déplacements.
Étant donné que les UVB pénètrent peu en profondeur dans la peau, il est possible de retirer les lunettes de protection pour traiter des lésions sur les paupières à condition de fermer les yeux pendant toute la durée de la séance. Cependant, il est crucial de protéger les muqueuses et les zones génitales masculines pendant les séances.
Après une repigmentation complète, l’arrêt de la photothérapie doit être progressif afin de minimiser les risques de rechute. Par exemple, une phase de consolidation peut être envisagée, comprenant deux séances par semaine pendant un mois, suivies d’une réduction progressive à une séance par semaine le mois suivant, puis à deux séances par mois au cours des troisième et quatrième mois. Il est également recommandé de continuer l’application du traitement prescrit pour surveiller toute éventuelle rechute.
Dr Comte, dermatologue, développe ce sujet dans la vidéo ci-contre (enregistrée lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo, le 16 mars 2024).
Le développement de cabines UV à domicile est envisageable (comme c’est le cas aux Pays-Bas), mais difficile à mettre en place. Ces dispositifs ont l’avantage de proposer des séances bien définies, avec un niveau d’intensité lumineuse réglé de manière précise et adapté à chaque patient. Cependant, leur introduction en France prendra du temps en raison de diverses considérations réglementaires et logistiques : bien que cette approche puisse présenter des avantages en termes de commodité pour les patients, elle nécessite une régulation stricte pour garantir son efficacité et sa sécurité. Des directives claires et des normes de qualité doivent être établies pour envisager une utilisation appropriée de ces cabines.
Les lampes à main doivent faire l’objet d’une grande prudence, car de nombreuses options disponibles sur internet peuvent être inadaptées voire potentiellement dangereuses. Il est nécessaire de consulter un dermatologue avant d’utiliser ce type d’appareil, qui pourra fournir des instructions précises et adaptées à chaque patient pour une utilisation sûre et efficace de la lampe à UVB. Dans tous les cas, il est impératif de sélectionner une « lampe UVB à spectre étroit » avec une longueur d’onde de 311 nanomètres, et de préférence dotée d’un marquage CE médical.
Selon un décret de 2013, l’accès à ces lampes en vente libre est interdite ; pour l’heure, l’Association Française du Vitiligo œuvre activement pour obtenir le remboursement de la location de ce type de matériel, mais cette démarche prend du temps.
Enfin, les lampes Excimer, disponibles uniquement dans certains centres hospitaliers, permettent une exposition plus forte mais très ciblée sur les zones affectées. La durée et la fréquence des séances sont déterminées en fonction de la réponse individuelle du patient, et sous la supervision d’un dermatologue.
En conclusion, il est désormais prouvé qu’une approche combinée de traitement médical et d’exposition contrôlée au soleil ou à la photothérapie offre de nouvelles perspectives pour les personnes atteintes de vitiligo. Avec des conseils appropriés et une surveillance médicale régulière, la repigmentation peut être encouragée de manière sûre et efficace.