[Tribune] Face au vitiligo : ce que vit ce million de Français, une responsabilité collective
Le vitiligo est un maladie auto-immune de la peau qui n’engage pas le pronostic vital mais qui n’en reste pas moins lourde de conséquences sur la qualité de vie de celles et ceux qui en souffrent. Avec environ 1 million de Français(es) concerné(e)s (source : AFV), le vitiligo n’a rien de rare ni d’anecdotique. Ainsi, bien que bénin, il a bien souvent pour les patients des conséquences sur la santé mentale et bouleverse tout un rapport aux autres et à soi.
Ce 25 juin marque la Journée Mondiale du Vitiligo ; à cette occasion, afin d’inciter les décideurs à adopter une approche plus inclusive et efficace dans le diagnostic et le suivi du vitiligo, nous publions un manifeste élaboré par une diversité d’experts et de professionnels : 16 propositions pour améliorer le parcours de soins des personnes atteintes de vitiligo.
Une tribune signée par le Collectif Vitiligo : Association Française du Vitiligo (AFV) • Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV) • Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) • RESO • Fédération Française Sports Pour Tous (FFSPT) • Incyte Biosciences France • Khaled Ezzedine, Dermatologue expert du vitiligo, Professeur des Universités • Caroline Delannoy, Psychologue
Parcours du patient : des défis médicaux à surmonter
Les différents enjeux du vitiligo font de cette pathologie une maladie par essence multidimensionnelle, un « cas d’école » pour l’ensemble des maladies de peau affichantes. Cela appelle une réponse globale associant des expertises complémentaires, médicales bien sûr mais également sociales et psychologiques. Le parcours de la personne atteinte de vitiligo ne peut pas s’arrêter une fois la porte du médecin refermée !
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Alors que des solutions existent – comme le soutien aux associations de patients dans leur rôle d’information, de représentation et d’accompagnement des malades et de leurs familles – force est de constater qu’il reste un long chemin à parcourir pour offrir la meilleure prise en charge possible à des patients encore mal orientés et suivis.
Le défi de l’accompagnement commence avec un diagnostic optimal, mais qui se trouve aujourd’hui compromis par la pénurie préoccupante de dermatologues. Ces spécialistes, qui sont les professionnels de santé de référence pour les dermatoses chroniques inflammatoires comme le vitiligo mais également le psoriasis ou l’eczéma, ont vu leur effectif fondre de 25% en moins de 20 ans sur notre territoire (source : Étude Ifop, renonciation aux soins, complexes, stigmates… les Français face aux maladies de peau et à l’eczéma : la grande enquête, 2023). En conséquence, 75% des patients se sont entendus dire qu’il n’existait aucune solution thérapeutique contre le vitiligo (source : Étude VALIANT Study, Vitiligo and Life Impact Among International Communities, 2023), renforçant ainsi le sentiment d’abandon.
Une priorité nécessaire à la sensibilisation et au soutien psychosocial
L’accompagnement doit donc se renforcer sur le plan médical, et ce n’est pas la seule dimension. La réponse globale à laquelle nous appelons demande d’agir aussi sur le plan psychologique et social. Car ce qui pèse sur les épaules des patients, c’est la forte méconnaissance par le grand public des réalités de la maladie. Celle-ci a un impact direct sur leur bien-être : elle peut se traduire par des comportements inappropriés, voire du harcèlement, d’autant plus préjudiciables pour les personnes affectées par la maladie lors de l’adolescence, période de construction de l’identité personnelle. Comme le mesurait une enquête menée en début d’année, ce sont ainsi seulement 30% des 12-25 ans qui disent connaître le vitiligo, et au collège seuls 38% des 12-15 ans seraient prêts à interagir socialement avec une personne atteinte par la maladie (source : Enquête Ifop Incyte AFV Baltasar, 29 janvier-5 février 2024, menée auprès d’un échantillon de 1000 jeunes, représentatif de la population française âgée de 12 ans à 25 ans).
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Optimiser le parcours de soins ainsi que sensibiliser aux impacts et vécu des personnes atteintes : là réside l’ambition du Collectif Vitiligo. Cette initiative, nous l’avons créée pour interpeller les pouvoirs publics afin de porter une réponse globale à travers des propositions concrètes au service des patients.
Optimiser le parcours de soin se fera par exemple via le développement de dispositifs innovants – telles que des unités mobiles de dermatologie – et des partages de tâches pour faire face aux pénuries de dermatologues. Cela exige aussi de travailler à l’élaboration d’un programme de formation destiné à certains professionnels de santé au contact des patients et de leurs familles.
Faire changer le regard sur le vitiligo et les maladies de peau affichantes est un enjeu tout aussi prioritaire, en plus de relever de l’apprentissage le plus élémentaire dans le rapport à l’autre. Car penser un système de santé performant, c’est aussi penser une santé globale. La prévention des risques psychosociaux doit impérativement se renforcer, via des campagnes de sensibilisation, et l’école, où tant est entrepris pour lutter contre le harcèlement, est le premier lieu où agir.
Dans un contexte contraint budgétairement et où des territoires pâtissent de la désertification médicale, osons l’ambition de proposer des solutions innovantes et le courage d’accompagner des patients, dans un système qui ne demande qu’à se renouveler. Car c’est par la mobilisation de tous que nous pourrons améliorer durablement le quotidien de personnes qui ne sont nullement frappées par la fatalité, mais avant tout fragilisées par le regard des autres.