Les traitements du vitiligo
Soigner le vitiligo est possible aujourd’hui. Suivant la nature du vitiligo (actif ou stable, segmentaire ou non-segmentaire), le médecin a le choix entre plusieurs thérapeutiques à base de crèmes topiques, de mini pulses de cortisone, de photothérapie ou encore de greffes mélanocytaires. Les traitements doivent permettre de bloquer la dépigmentation, induire la repigmentation et prévenir les récidives. Plus le vitiligo est actif et/ou récent, plus il doit être traité rapidement.
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L’ensemble de cette contribution a été réalisée par le Professeur Thierry Passeron 1,2, MD, PhD, membre de notre comité scientifique
Université Côte d’Azur. Service de Dermatologie. CHU Nice. Nice, France
Université Côte d’Azur. INSERM U1065, C3M. Nice, France
Site internet : www.cure-vitiligo.com
Date de mise à jour : Septembre 2024
Toutes les photos © Pr. Thierry Passeron
6 points clefs à connaître pour soigner le vitiligo
Les vitiligos en phase active doivent être traités en urgence
La repigmentation du vitiligo est un processus long qui nécessite le plus souvent entre 6 et 24 mois de traitement
Sans UV (naturels ou en cabines ou lampes), il est quasi impossible de repigmenter des vitiligos
Le traitement de référence actuel est l’association de photothérapie et de traitement topique (inhibiteurs de la calcineurine ou dermocorticoïdes)
Une fois la repigmentation obtenue, un traitement préventif peut se discuter
De nombreux progrès sont en cours et sont d’ores et déjà disponibles dans le cadre d’essais thérapeutiques dans les centres d’expertise
Vitiligo : prise en charge et perspectives thérapeutiques
Des solutions efficaces pour de nombreux vitiligos.
Dans le cadre d’un vitiligo très actif, il est urgent de bénéficier d’un traitement pour bloquer son évolution.
Il existe aujourd’hui des solutions efficaces pour de nombreux vitiligos. Il est d’abord indispensable de déterminer si ce dernier est en phase active. Si tel est le cas, il est alors urgent de proposer un traitement pour bloquer cette évolutivité. Dans les vitiligos non actifs, le traitement de référence est aujourd’hui bien codifié et repose sur l’association d’une photothérapie (naturelle ou en cabine) et d’un traitement topique. Les traitements chirurgicaux sont utiles pour les vitiligos localisés et stables et pour les formes segmentaires. Le maquillage médical apporte une aide non négligeable en attendant la repigmentation ou sur les zones résistantes. La dépigmentation reste indiquée dans les formes très extensives. Enfin, de nouvelles approches thérapeutiques sont en développement, et sont, pour certaines, dans des phases très avancées. Elles offrent des perspectives à relativement court terme particulièrement encourageantes.
Une maladie avec un fort retentissement sur la vie des personnes atteintes
Le vitiligo est une pathologie fréquente qui entraîne un retentissement parfois majeur sur la qualité de vie des personnes atteintes. La demande thérapeutique est donc souvent importante. La physiopathologie du vitiligo est bien mieux connue depuis quelques années, et les avancées récentes laissent envisager de nouvelles approches thérapeutiques dans un avenir très proche.
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Si ces perspectives sont pleines d’espoir, il est important de savoir que des solutions efficaces existent déjà et permettent d’aider chaque jour de nombreux malades. Il est inconcevable pour une personne souffrant du vitiligo de s’entendre encore dire, aujourd’hui, que son problème est psychologique et qu’on ne peut rien y faire ! Aussi incroyable que cela puisse paraître compte tenu des centaines de publications et recommandations internationales existantes, ce discours est encore tenu par de nombreux médecins, y compris par des dermatologues.
3 objectifs du traitement : bloquer, repigmenter, prévenir
Quels sont les objectifs du traitement ? De façon optimale la prise en charge doit suivre 3 objectifs complémentaires :
Stopper la perte mélanocytaire
Induire la différenciation et la prolifération des mélanocytes
Prévenir les récidives
Savoir reconnaître une forme active de vitiligo pour agir rapidement
Le vitiligo est une pathologie chronique qui évolue souvent par poussées. Il est impossible de prédire l’évolutivité au long cours d’un vitiligo et il n’existe pas pour l’instant de marqueur biologique fiable d’activité. Mais il existe des signes cliniques simples montrant une forte évolutivité de la maladie 1 :
Signe de Koebner
C’est le développement du vitiligo sur des zones de frottements réguliers ou sur des cicatrices. Sur cette photo lésions linéaires de vitiligo survenues sur des griffures de chat. Noter aussi la présence de lésions débutantes de dépigmentation en confetti (petits points blancs de dépigmentation).
Bords hypochromiques et mal limités des lésions
Les bords sont plus clairs que la peau normale, mais pas encore complètement blancs. Ils sont visibles sur la photo car la peau est foncée, mais nécessitent en général un examen en lumière de Wood pour être bien visualisés.
Dépigmentation dite “en confetti”
Ce sont de multiples petits points blancs de dépigmentation. Il s’agit en général d’un signe de forte activité.
Bordure inflammatoire (rare)
Certaines personnes décrivent des sensations de démangeaisons lors des poussées.
Il est indispensable de détecter des formes actives de vitiligo car le traitement pour bloquer la poussée doit alors être débuté en urgence.
Comment traiter un vitiligo actif ?
C’est une urgence thérapeutique car il est plus aisé et rapide de bloquer une poussée que de repigmenter les lésions. Les données restent basées sur des études ouvertes ou rétrospectives, mais l’approche fait consensus 2,3.
Il faut associer :
- Mini-pulses de cortisone pendant 3 à 6 mois. Chez l’enfant en phase de croissance, un avis pédiatrique doit être demandé au-delà de 3 mois de traitement.
- Photothérapie UVB spectre étroit 2 à 3 fois/sem pendant 6 mois (action à la fois sur l’activité mais aussi stimule la repigmentation).
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Cette association bloque les poussées dans plus de 90% des cas. Néanmoins, chez le petit enfant, la photothérapie ne pourra pas se faire. Enfin, les mini-pulses se pratiquent seuls mais selon la saison, une exposition solaire modérée et régulière est à conseiller pour stimuler la repigmentation.
Comment stimuler la repigmentation dans les formes non actives ?
Avec les traitements actuels une repigmentation complète ou quasi complète est obtenue dans :
- 70 à 80% des cas sur le visage
- 50% des cas sur le corps
- 25 à 30% sur saillies osseuses
- Reste exceptionnelle sur les extrémités des mains et des pieds
Mais il faut entre 6 et 24 mois de traitement pour y parvenir. Il est indispensable d’attendre au moins 6 mois avant de juger d’une réponse à un traitement. Les malades doivent être clairement prévenus que le traitement est long et souvent fastidieux, car beaucoup arrêtent le traitement après 1 à 2 mois, en ne voyant pas de résultats. Sans UV (qu’ils soient naturels, en cabines, ou en lampe ou laser) il est quasi impossible de repigmenter un vitiligo. Il est inutile de proposer un traitement topique sans UV associés 4. Si cela est possible, les UVB doivent être préférés à la PUVAthérapie. Pour les atteintes localisées, les lampes et lasers excimer ont un grand intérêt. Il est important de noter qu’il existe maintenant des lampes UVB à spectre étroit enfin abordables pour les patients. Ces lampes permettent une photothérapie à domicile et sont très utiles pour des vitiligos localisés. L’exposition solaire peut être proposée pendant la saison estivale. Le professionnel de santé doit alors conseiller aux patients de s’exposer au moins 3 ou 4 fois par semaine, sans crème solaire, jusqu’à ce que la peau devienne bien rose.
Vitiligo et cancer cutané : pas de risques accrus
Il est par ailleurs important de noter qu’il est aujourd’hui démontré que les personnes ayant un vitiligo ont moins de risques de développer un cancer cutané, et notamment ont 3 fois moins de risque de contracter un mélanome 5. Il n’y a pas non plus de surrisque de cancers cutanés avec la photothérapie UVB spectre étroit dans le vitiligo (et ce jusqu’à au moins 400 séances) 6. Il n’y a pas non plus d’augmentation de risque si les UVB sont associés au tacrolimus 7. Il existe maintenant des recommandations bien établies pour la photothérapie dans le vitiligo 8.
Pour une efficacité optimale, les UV doivent impérativement être associés à un traitement topique.
Là encore, il existe de nombreuses études et même des méta-analyses confirmant l’intérêt de ces associations 2,9.
Sur le visage et autres parties sensibles
Le tacrolimus à 0.1% (y compris chez l’enfant) ou le pimecrolimus à 1% doivent être utilisés à raison de 2 fois par jour. Cette prescription est malheureusement encore hors AMM (et donc non remboursée dans le vitiligo) malgré de nombreuses études méthodologiquement très robustes 10,11. Ce traitement doit être associé soit à des UV en cabines, lampes ou laser, soit à une exposition solaire lorsque c’est la période estivale
Sur le corps
Un dermocorticoïde fort peut tout à fait remplacer le tacrolimus. Il doit être utilisé une fois par jour, le soir de préférence, et de façon séquentielle (par exemple 5j/7) 2. Là encore, les dermocorticoïdes doivent absolument être associés soit à des UV ou à une exposition solaire.
LIRE AUSSI : notre article sur le traitement Opzelura disponible en pharmacie en France (juillet 2024), et notre article sur les résultats de l’étude VITAC, efficacité du tacrolimus pommade à 0,1% dans le vitiligo non-segmentaire du visage
Antioxydant
Bien que l’importance d’un stress oxydatif cellulaire soit clairement démontré dans le vitiligo, les traitements antioxydants en topique ou par voie orale n’avaient jusqu’alors pas montré leur efficacité dans des études solides. En utilisant un antioxydant de dernière génération par voie orale (de la superoxyde dismutase (SOD) gastro-protégée), nous venons de montrer dans une étude randomisée versus placebo que l’association de cette SOD aux UVB spectre étroit permettait plus de 2 fois plus de repigmentation que les UVB avec le placebo (Passeron et al. JEADV sous presse). Compte tenu de l’excellente tolérance de cette SOD, elle peut tout à fait être conseillée en association aux UV et au traitement topique, mais elle ne pourra en aucun cas se substituer à ce traitement.
Quelle est la place des greffes ?
Les greffes ont 2 principales indications dans le vitiligo. Elles peuvent être proposées, après échec du traitement médical, pour :
- les vitiligos stables depuis au moins 1 an ET localisé
- les vitiligos segmentaires
Il existe de nombreuses techniques 12 : suspensions épidermiques, succion épidermique puis greffe, greffe de peau mince, mini greffes, culture in vitro de suspensions de kératinocytes et de mélanocytes. Les suspensions épidermiques ont notre préférence et bénéficient maintenant de kits agréés qu’il est possible d’utiliser en cabinet.
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Comment prévenir les récidives ?
Il est important de savoir que 40 à 50% des lésions de vitiligo récidivent dans la première année post repigmentation. Pour les atteintes limitées (par exemple le visage) nous avons pu montrer que le tacrolimus 0,1% 2 fois /sem (sans nécessité d’exposition solaire) diminue le risque de 40% à 9,7% 13. Les dermocorticoïdes, selon le même schéma, sont probablement aussi efficaces mais cela n’a pas été démontré. Pour les atteintes diffuses, il est possible de discuter des UVB 1 à 2 fois / mois en entretien. Cette attitude, partagée par de nombreux experts, ne repose cependant pas sur des études. Certains traitements par voie systémique en cours de développement pourraient avoir un intérêt pour stopper l’évolution et les récidives de vitiligo.
Quelle place pour la dermopigmentation et le maquillage médical ?
La dermopigmentation ne doit être proposée que pour les lèvres et les aréoles mammaires. Sur ces zones, le résultat esthétique est souvent très bon. Elle ne doit en aucun cas être proposée sur les autres parties du corps qui vont varier de couleur pendant l’année et parfois s’étendre ou se repigmenter. Le résultat est alors le plus souvent très inesthétique.
Le maquillage médical est toujours très utile. Il est démontré qu’il améliore significativement la qualité de vie des personnes 14. Il peut être proposé sur les zones résistantes mais aussi en attendant que le traitement médical permette la repigmentation. Les autobronzants sont également utiles, notamment pour les personnes ayant des phototypes relativement clairs. Nos Workshops « beauté du teint » sont là pour en discuter et les essayer sur votre peau, guidé par les conseils de professionnels !
Quand et comment proposer une dépigmentation ?
La dépigmentation peut se discuter pour des personnes ayant des surfaces dépigmentées de plus de 50%. Les produits dépigmentants chimiques tels que le MEBH (monobenzylether d’hydroquinone) ne sont plus disponibles en France. Les lasers dépigmentants ont montré une efficacité similaire (environ 70% de succès) après 1 à 3 séances. Des séances d’entretien après l’été sont souvent nécessaires, surtout sur les zones photo-exposées telles que le visage 15. Pour de petites zones, la cryothérapie est aussi une option intéressante 16.
Perspectives dans le traitement du vitiligo : quels espoirs ?
Les perspectives sont nombreuses et certaines sont à un stade avancé de développement 17. Les inhibiteurs de la voie JAK sont les plus avancés et ont déjà montré des résultats positifs.
Le ruxolitinib en crème a montré, dans une étude multicentrique de phase 2, une belle efficacité sur le visage avec 57,6% des patients avec repigmentation supérieure à 50% à 1 an et un tiers avec repigmentation supérieures à 90% 18. L’efficacité est moindre sur le corps et le traitement reste décevant sur les mains et les pieds. Il est probable que ces résultats soient bien meilleurs lorsque la crème sera associée à des UVB, ce qui n’était pas le cas dans cette première étude. La tolérance a été bonne, avec essentiellement des réactions acnéiformes sur le visage, qualifiées de légères. Plus récemment, une étude de phase 3 chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans a montré une repigmentation cliniquement significative pour le traitement du vitiligo, sur le visage et tout le corps.
Mise à jour Septembre 2023 • La crème Opzelura (ruxolitinib) est disponible pour le vitiligo en pharmacies en France
Les inhibiteurs de JAKs par voie orale sont également en développement. Les études prospectives sont en cours. Ces traitements systémiques seront vraisemblablement réservés aux patients ayant des vitiligos étendus et/ou actifs. D’autres traitements sont en développement, mais dans des stades moins avancés. Ils sont résumés dans le tableau ci-dessus.
VOIR AUSSI
Le ruxolitinib crème (Opzelura), un premier traitement approuvé en Europe dans le vitiligo (Rencontres Annuelles du Vitiligo 2023) • Pr Thierry PASSERON (Chef du service de Dermatologie CHU de Nice & Chef d’équipe INSRM au C3M, Nice)
Bibliographie :
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- Passeron T. Medical and Maintenance Treatments for Vitiligo. Dermatol Clin 2017;35:163-70.
- Tovar-Garza A, Hinojosa JA, Hynan LS, Pandya AG. Addition of oral minipulse dexamethasone to narrowband ultraviolet B phototherapy and topical steroids helps arrest disease activity in patients with vitiligo. The British journal of dermatology 2019;180:193-4.
- Ostovari N., Passeron T., Lacour JPh., Ortonne JP. Lack of efficacy of tacrolimus in the treatment of vitiligo in the absence of UVB exposure in difficult to treat sites. Archives of dermatology 2005;In press.
- Teulings HE, Overkamp M, Ceylan E, et al. Decreased risk of melanoma and nonmelanoma skin cancer in patients with vitiligo: a survey among 1307 patients and their partners. The British journal of dermatology 2013;168:162-71.
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