La dimension psychologique
L’impact psychologique du vitiligo
Le vitiligo est “une drôle de maladie”… qui n’est “pas drôle à vivre” car elle modifie parfois l’apparence des malades de façon importante. Elle génère peu de souffrances physiques et pourtant un profond désarroi.
Différents états psychiques peuvent conduire à des comportements de retrait social et des sentiments de honte et de culpabilité. Les réactions de l’entourage prennent beaucoup d’importance, et le regard des autres emprisonnent ou libèrent celui qui doute tant de lui.
Photo : AdobeStock
Une maladie affichante qui isole
L’atteinte cutanée du vitiligo a ceci de particulier qu’elle est livrée au regard d’autrui sans que celui qui en souffre puisse s’y soustraire. Cette dermatose affichante, répandue mais peu connue, n’engendre pas de souffrance physique mais crée paradoxalement un mal-être psychologique d’autant plus grand “qu’il n’y a pas lieu de se plaindre”. La personne atteinte se trouve de ce fait dans un positionnement de non-reconnaissance et de culpabilité.
Le discours des médecins, comme celui de l’entourage, ne semble pas tenir compte de la souffrance consécutive à cette “mutilation” de l’image de soi. Pas de pronostic vital engagé, pas de douleur physique : ceci aggrave le sentiment d’être incompris. Cela est source d’isolement, de repli sur soi et parfois de dépression grave. De plus, la personne concernée ressent de la culpabilité puisque son environnement s’obstine à lui signifier que “ce n’est rien” et “qu’il y a des maladies bien plus graves”.
Une maladie imprévisible qui inquiète
L’évolution de la pathologie est faite d’incertitudes. Personne ne guérit encore totalement du vitiligo, or les traitements proposés par les dermatologues commencent à laisser un espoir de réparation partielle du préjudice esthétique. Le patient a pourtant le sentiment d’être abandonné par la médecine quand son médecin semble peu convaincu du traitement qu’il propose (quand il en propose un !) et par la recherche médicale, livré à la merci d’une progression imprévisible de son mal. Il est désarmé face au regard de l’autre et à celui qu’il porte sur lui-même, vivant dans la crainte permanente d’une expansion subite de la dépigmentation.
Photo : AdobeStock
Une maladie frustrante qui déprime
Pour ne pas affronter la curiosité (dans le meilleur des cas), le rejet ou le dégoût, la personne concernée peut alors désinvestir sa vie relationnelle, éviter les contacts, renoncer à une carrière professionnelle ou une rencontre sentimentale. Elle s’installe alors dans une vie de frustrations, se sentant responsable de son propre malaise. Multipliant les consultations chez les dermatologues à la recherche d’un traitement “miracle” (1 patient déclarant un vitiligo consulte 5 dermatologues en moyenne) le malade peut devenir, tôt ou tard, consommateur d’antidépresseurs, d’anxiolytiques.
Le malade et son médecin
Les maladies chroniques demandent beaucoup d’assiduité dans l’observance des traitements mais aussi beaucoup de confiance dans les progrès de la médecine. Ne pas perdre l’espoir que sa qualité de vie va être améliorée et sans se résigner, savoir accepter les inconvénients apportés quotidiennement par sa maladie… La relation médecin-malade est forcément complexe, fragile, et la confiance doit être sans cesse nourrie pour que le malade devienne un patient capable de patience et d’optimisme.
Une alliance thérapeutique à construire
Pour que le diagnostic soit posé, le malade est parfois amené à consulter plusieurs médecins (lire notre article “Trouver un spécialiste”). Cela ne signifie pas pour autant que le médecin lui aura prescrit un traitement ou même l’aura renseigné sur les possibilités de soigner, de réparer le préjudice causé par cette dermatose.
En effet, beaucoup de témoignages relatent des expériences douloureuses où le médecin ne prend pas suffisamment en considération le mal-être induit par ce dysfonctionnement rarement connu du patient. Il oublie parfois de rassurer le malade et il minimise la souffrance psychologique associée à cette dermatose et peut même la nier. “Ce n’est pas grave… il y a pire… vous vous habituerez…. ça ne se voit pas…” : autant de remarques qui sont insupportables à entendre !
Une relation thérapeutique de qualité a bien entendu une influence majeure sur l’observance du traitement, la confiance et le sentiment d’être enfin reconnu. Les dermatologues qui savent entendre la plainte de leurs patients et permettre qu’elle soit exprimée les aident véritablement. Prendre le temps d’une auscultation répétée pendant le traitement, faire participer le patient à la décision thérapeutique pour qu’il soit totalement compatible avec son mode de vie, ses contraintes familiales et professionnelles, le diriger vers l’Association Française du Vitiligo et des sites internet sérieux pour l’aider à sortir de l’isolement et être mieux informé sur les recherches en cours.
Photo : Shutterstock
En devenant acteur de sa maladie, elle n’est plus vécue comme une fatalité où le malade ne serait qu’une victime d’un système de santé ressenti comme défaillant.
Le malade et son vécu
Il serait très réducteur de décrire un “modèle type” de malade atteint de vitiligo, car chacun va mobiliser des ressources personnelles, chacun vit dans un environnement social et culturel différent, chacun a construit sa personnalité avec de nombreux éléments relationnels, affectifs, émotionnels qui lui sont propres. Toutefois, il est possible de dégager des points communs dans le vécu de la maladie, selon l’âge d’apparition des premières zones dépigmentées.
Vitiligo depuis l’enfance
L’enfant aura construit autour de cette différence tout un système de protection, banalisation, minimisation qui l’amènera à dire « j’ai grandi avec, il fait partie de moi ». Sa difficulté sera de résister à l’angoisse de ses parents, de ne pas se laisser envahir par une surprotection parfois étouffante (multiplication des consultations médicales, insistance pour l’observance d’un traitement, réappropriation du problème comme blessure narcissique familiale…). Cette surprotection ne tient pas compte de l’aspect chronique de la dermatose où le temps est une composante importante. Il aura dans sa vie besoin de temps, de pauses pour ses traitements, d’informations, de contacts et d’échanges pour constituer ses ressources et sa résilience.
Vitiligo à l’âge adulte
L’adulte aura peut-être plus d’autonomie pour surmonter sa difficulté car la pression parentale ou environnementale sera a priori moindre, mais il éprouvera peut-être un sentiment de solitude, d’isolement ou même d’abandon. Il aura tendance à interpréter négativement les réactions ou les regards des autres : gène, indifférence, curiosité, pitié, dégoût…
Chacun a sa façon “d’aménager” sa dermatose en fonction de critères très personnels. Une généralisation serait tout à fait impossible, d’autant qu’une même personne est, selon les moments de sa vie, plus ou moins fragilisée par cette atteinte esthétique et psychologique.
Photo : Unsplash
Si le vitiligo se développe chez une personne plus fragile, manquant de confiance en elle, alors l’impact est encore plus grand. La perte de l’estime de soi, un sentiment de honte, une forme de fatalisme perturbent profondément la vie de ceux qui se sentent comme “mutilés”.
Lorsque le malade affronte une souffrance qu’il pourra difficilement surmonter seul, une aide psychothérapeutique s’avère nécessaire.
Sortir de l’isolement grâce à la rencontre d’autres malades est une première démarche qui va le libérer en partie du fardeau de sa maladie. Les associations de malades, comme l’Association Française du Vitiligo, ont ce rôle fondamental de tremplin vers un élan de vie retrouvé. Nos Groupes de Partage et de Soutien sont notamment là pour échanger !
Jeune ou moins jeune
Le malade peut aussi avoir de telles ressources psychiques, qu’il vit son vitiligo avec “sérénité”. Considérant cette dermatose comme un obstacle surmontable, il dit en accepter les inconvénients et développe souvent de grandes qualités d’empathie et de bienveillance.
Quel que soit l’âge du malade, il paraît important que celui-ci possède un minimum de connaissances sur le fonctionnement de la peau et du vitiligo, dispose de mots pour parler de sa maladie et soit capable de l’expliquer à son entourage.
En s’informant sur la maladie, sur la recherche en participant à des essais cliniques, en suivant quelques conseils pratiques, il ne subit plus sa maladie, il devient acteur de sa guérison.
Une permanence téléphonique est assurée au 01 45 26 15 55 tous les mercredis après-midi de 14h à 17h (hors vacances scolaires) par les bénévoles de l’association. Ce service permet aux personnes confrontées à la maladie de façon directe ou indirecte, d’être écoutées et guidées le cas échéant.